Chapitre 8Nous passâmes une dizaine de jours en Essius. Les journées étaient rythmées comme en surface, le soleil artificiel éclairait de façon à reproduire une journée normale. Beat nous expliqua que les conditions climatiques avaient été recréés totalement. Les saisons, la chaleur, les pluies, tout le système était optimal pour permettre à ce peuple de vivre paisiblement. Et il avait raison sur un point, cette technologie pouvait rendre bien des services en surface mais le risque de voir les puissants l’exploiter pour le profit était trop grand, c’est pourquoi les Essiusiens avaient créé leur propre monde.
Nous logions chez Beat. L’accueil était chaleureux et la vie ici était plutôt simple et calme, loin du tumulte de nos grandes villes. Jour après jour nous découvrions les habitants et leur mode de vie si parfait. Notre séjour était agréable autant qu’enrichissant, et nous nous émerveillions chaque jour un peu plus. Tout le groupe était fasciné par ce pays qui avait quelque chose de magique. Je n’avais jamais vu Simon si expressif et Alfred si joyeux. Mais au bout d’un certain temps, les questions se posèrent sur notre présence ici et la suite de notre séjour. Un soir où nous étions tous réunis, Gaston engagea la conversation.
« Beat, demanda-t-il, comment se fait-il que j’ai pu mettre la main sur votre technologie ?
- Tout d’abord, répondit Beat, sachez que je fais partie des pionniers. J’ai quitté la surface avec mes parents lorsque j’étais jeune. Eux et leurs confrères étaient malades de constater ce que l’humanité faisait à notre planète. Leur souhait était d’améliorer les choses mais ils ont été contraints de s’éloigner. Ce pays ne s’est pas fait en un jour et vous vous doutez bien, au travers des gens que vous avez rencontrés ici, que tout le monde n’est pas arrivé au même moment. Nous avons toujours des contacts avec la surface et nous l’observons à notre manière. C’est nécessaire pour prévenir l’avenir et peupler notre pays. Jusqu’à maintenant nous avons sélectionné les nouveaux habitants, par leurs actions et leurs engagements à la surface. Pour nous rendre dans le monde extérieur nous avons besoin de cette énergie, c’est pourquoi tu as pu te procurer le modèle miniature, qui avait été égaré par l’un des nôtres.
- Pourquoi est-ce qu’il a explosé alors ?
- La miniaturisation est un procédé complexe et le modèle que tu avais était déjà vieux et instable. Tu as brillamment exploité son énergie mais l’explosion était inévitable.
- Au fait Gaston, demanda Alfred, tu nous avais dit que tu avais baptisé toi-même le Parfait, c’est bizarre non ?
- Ben… hésita-t-il. C’était écrit dessus en fait. »
Beat éclata de rire. « L’évidence même ! s’exclama-t-il.
- Mais alors, repris-je, pourquoi cet accueil si nous n’avons pas été sélectionnés ?
- Eh bien, nous nous doutions de votre arrivée. Le vortex créé par l’explosion est parvenu jusqu’ici. C’est la première fois que des étrangers dont nous ne connaissons rien arrivent chez nous. Plutôt que céder à la paranoïa, nous avons voulu tenter la chance. »
Quelques jours auparavant, Lili s’était faite l’ambassadrice de notre groupe et avait remarquablement exposé nos projets aux Essiusiens.
« Pourquoi conserver jalousement cette technologie ? demanda-t-elle. Le monde a évolué depuis votre arrivée ici. Les puissants ont continué à exploiter les ressources depuis votre départ et la situation n’a jamais été aussi critique. Pour autant la prise de conscience est là, des groupes comme le nôtre fleurissent partout. C’est maintenant qu’il faut faire quelque chose et grâce au Parfait c’est possible !
- Tu as raison. Des décennies ont passé, notre éloignement ainsi que la crainte du pire nous ont fait oublier l’objectif premier de nos parents, qui était de rendre le monde meilleur. Nous n’avons jamais totalement exclu le fait de partager un jour la technologie et de la voir exploitée en surface.
- Mais ? fit-elle. Je sens qu’il y a un “mais”.
- Écoute, lorsque vous êtes arrivés nous ne savions pas à quoi nous attendre. Finalement, vous avez été rapidement acceptés et vos projets nous semblent tout à fait louables. Nous nous sommes donc réunis et, non il n’y a pas de “mais”, nous sommes d’accord pour que vous rapportiez un modèle en surface. »
Tous le groupe sauta et cria sa joie, les “génial”, “wahou” et “super” fusèrent. Sauf pour Alfred qui resta assis et étrangement silencieux.
« Ça va pas ? lui demanda Simon. C’est super non?
- Ben… dit Alfred penaud, ça veut dire qu’on repart ?
- Plutôt deux fois qu’une ! s’exclama Lili.
- Je suis bien ici moi, c’est dommage.
- Alfred, dit Beat, si tu souhaites rester ici, tu es le bienvenu parmi nous. »
Un large sourire se dessina sur le visage d’Alfred.
« OK Alfred, dis-je, tu vas nous manquer mais si tu es heureux ici, on ne peut pas t’obliger à rentrer. Alors c’est décidé, on repart. Mais comment on fait d’ailleurs ?
- Ne vous inquiétez pas pour ça, dit Beat. »
Quelques jours plus tard, nous faisions nos adieux aux habitants d’Essius, prêts à rentrer chez nous. Beat nous amena jusqu’à un engin étrange, une espèce de bateau-fusée lancé sur des rails.
« Cet appareil vous ramènera à la surface, dit-il.
- Euh... fit Simon inquiet, ça vole ça ?
- Ne vous en faites pas, répondit Beat, il fonctionne très bien. Gaston, voici un nouveau Parfait miniature, en bon état de marche cette fois. Montez à l’intérieur et placez le à l’endroit prévu à l’avant, il alimentera le réservoir et le propulseur. »
Lili, Simon, Gaston et moi montâmes à bord de l’appareil. Gaston plaça le parfait et prit les commandes.
« Ça se pilote comment ? demanda-t-il.
- Normalement tout seul, le vaisseau est programmé pour vous amener à un point de sortie. Touche le panneau avec ta paume pour démarrer puis tape avec deux doigts quand tu es prêt à décoller. Et si tu veux prendre le contrôle, contente-toi de faire glisser ta main dessus pour le diriger. »
C’était donc avec un peu de tristesse que nous laissions Alfred et les Essiusiens pour nous envoler jusqu’à la surface. Gaston activa le panneau de contrôle et le vaisseau trembla dans un vacarme de tuyauteries maltraitées.
« Bon retour ! hurla Alfred. Soyez prudents !
- Gardez notre secret ! cria à son tour Beat. Et surtout menez à bien votre mission !
- Promis ! répondit Lili. Au revoir ! »
MOC story Chapitre 8 (Fa Brique) by
Bertrand Fa, sur Flickr