Ecosse. Février 2014. 06 heures 02.

Scott le scout est un jeune homme particulier. Jeune Californien adopté et élevé par des mormons calédoniens, il s'effraie vite du monde dans lequel il évolue et a été éduqué selon des préceptes surannés, dans une communauté célébrant l'autarcie...
Et comme tous les matins depuis que le monde l'a vu naître, il effectue sa randonnée matinale dans une Edimbourg embrumée.

George est anglais de souche. Daddy bossait dans une usine de Liverpool et mummy était une scotties à l'accent bien gras, au teint pâle et aux chevilles dodues. George ne s'est jamais ému de voir Daddy fracasser Mummy entre deux visites au pub. Quand Mummy quitta Daddy, elle emmena avec elle son "boy'George" au nord du mur d'Hadrien. George grandit en devenant l'insulaire modèle : Bière. Bacon. Usine. Bière. Bière. Bière. Whisky. Dodo. Un programme rodé, et qui se répétait chaque jour de façon immuable.

Scott n'était pas destiné à rencontrer George. Scott avait l'habitude de communier avec les immenses lands paisibles qui ceinturaient Edimbourg tous les matins. George, lui, déambulait généralement sur le macadam urbain... en quête d'un fond de canette comestible ou d'un mégot trop vite balancé sur le chemin qui séparait le pub de son studio.

Mais février était brumeux. Scott s'aventura en ville à son insu. George revenait d'une soirée costumée. Ivre comme à la coutume et coincé dans un costume digne des matelots de Davy Jones. George vît en Scott une âme charitable susceptible de lui procurer un peu de nicotine ou quelques livres sterling. Il lui demanda les deux avec beaucoup de courtoisie...

Las, Scott ne s'était jamais rendu à un bal costumé, et ne pratiquait pas le "mec bourré" en deuxième langue à l'université.
Conformément à la tradition britannique qui veut que chaque trottoir recueille, tous les dimanches matin, les immondices rejetés durant la nuit par une jeunesse décadente et sans repère, la voie publique était jonchée de canettes abandonnées, de cadavres de bouteilles brisées, de diarrhées verbales et autres détritus témoins de ces nuits de débauche.
Vu la situation ubuesque (ambiance lunaire, requin de l'espace), le dénouement ne pouvait que se révéler dramatique :
Quand George lança un chaleureux "Hey l'ami, t'as une cigaaaa....rette ?"
Scott comprit ceci : "J'ai envahi ta plan...èèèèète !"

En bon chrétien, et dans la plus pure tradition américaine, il dégaina le M1911, qu'il portait toujours sur lui depuis que papy lui avait offert cette relique d'une vie de marine's déchue. Scott tira. Les 8 cartouches. Par sécurité et par tradition américaine.
Convaincu d'avoir sauvé le monde et fier d'avoir fait mouche, un trait hérité de ses aïeuls, à n'en point douter, il repris sa randonnée victorieuse...
George, lui, ne comprit pas tout de suite. Il gisait là, au milieu des canettes vides, des vieux clopes usagés et des liqueurs intestinales. Il communiait. Parmi les siens. Heureux. Et symbole d'une jeunesse décadente et sans repère. Victime de ses nuits de débauche...

Il était une fin.